Infrastructures énergétiques : quelle stratégie d’ici 2020?

Infrastructures énergétiques : intervention de Yannick Jadot –  ITRE (10/02/2011)

Au sein de la Commission parlementaire « Energie » du Parlement européen, nous avons eu hier une deuxième discussion sur le dossier « infrastructures énergétiques » dont je m’occupe. Une occasion d’approfondir les questions et problématiques sous-jacentes à ce dossier d’importance pour le futur énergétique de l’Union Européenne (UE).

La Commission européenne a en effet présenté en novembre une communication « infrastructures énergétiques » qui tente d’identifier les projets clés pour les réseaux énergétiques de l’UE à l’horizon 2020, essentiellement de l’électricité et du gaz. Cet effort de planification est également accompagné de propositions d’instruments innovants pour faciliter la réalisation de ces projets.

Si l’on peut saluer cette planification dont l’UE a besoin pour réaliser sa transition vers une économie fondée sur les énergies renouvelables et peu consommatrice d’énergie, certains points de ce texte peuvent être soulevés et remis en question.

Cohérence. Le paquet « Infrastructures énergétiques » présenté par la Commission met en avant un certain nombre de projets considérés comme prioritaires, comme par exemple la construction de grands gazoducs permettant de relier l’UE à la zone Caspienne et au Moyen Orient. Mais attention à ne pas se tromper de priorités : n’oublions pas que les décisions prises aujourd’hui en matière d’infrastructures définiront notre politique énergétique pour les prochaines 50 années. Il me semble donc important de s’assurer que les choix d’infrastructures faits aujourd’hui soient cohérents avec notre objectif de réduction de nos émissions de 80-95% d’ici 2050.

Hiérarchie. Une consommation d’énergie moindre n’est pas sans impact sur les investissements à réaliser en matière d’infrastructures énergétiques. Or, le scénario envisagé par la Commission dans sa communication ne prend pas en compte la réalisation de l’objectif de 20% de réduction de la consommation énergétique d’ici 2020. Un tel oubli est scandaleux, et doit être rectifié! D’autant plus qu’une étude récente prenant en compte les économies d’énergie a estimé les investissements nécessaires dans les réseaux de transport d’électricité à 70 milliards d’euros, soit deux fois moins que les estimations de la Commission. Une « hiérarchie » des investissements doit être établie, au sommet de laquelle doivent figurer les économies d’énergie, et qui doit donner la préférence à la modernisation des infrastructures existantes et non à la construction de nouvelles. Et si construction il doit y avoir, il faut qu’elle se fasse plutôt le long des infrastructures existantes.

Priorités. La Commission entend établir avec ce document une liste de projets prioritaires, dont le nombre risque d’être élevé. Disons le clairement : dans le contexte actuel de crise économique et d’austérité budgétaire, le soutien européen doit aller aux véritables urgences. Et de mon point de vue, l’urgence est le développement d’un réseau électrique capable d’intégrer toujours plus d’énergies renouvelables! D’autres aspects sont également à prendre en compte, tels que la mise en place d’une solidarité effective entre l’Ouest et l’Est de l’Europe à propos du gaz (ce qui ne veut pas dire plus de gaz !), ou de mettre un terme à l’isolement énergétique de certains Etats-Membres.

Transparence. Il s’agit ici d’un point essentiel selon moi. Les citoyens ne doivent pas se voir délester de leurs droits à l’information et à la participation au nom de l’émergence rapide d’un marché intérieur de l’énergie ou de la réalisation de la sécurité énergétique de l’Europe. Une transparence accrue signifie une participation des citoyens en amont des projets d’infrastructures, un débat public ouvert où ces derniers peuvent réellement s’exprimer, où les objectifs réels des projets d’infrastructures sont présentés et expliqués: qu’on ne fasse pas croire qu’une ligne électrique est prévue pour aider au développement des renouvelables, quand l’objectif réel est la concurrence. Les citoyens ne doivent pas être floués.